L’agriculture, plus grand secteur économique du Pakistan, contribue à environ 24 % du produit intérieur brut et emploie la moitié de la main-d’œuvre du pays, selon les statistiques gouvernementales. Mais, les chaines d’approvisionnement sont fragmentées, entrainant une hausse des prix, un gaspillage alimentaire et de faibles bénéfices pour les agriculteurs, autant de problèmes que Tazah veut résoudre.
Tazah : futur ange gardien de l’économie ?
Tazah Technologies, fondée il y a deux mois à Lahore au Pakistan par Abrar Bajwa et Mohsin Zaka, deux anciens collaborateurs qui travaillaient pour Careem, une société de location de voiture, filiale d’Uber au Moyen-Orient. Comment passer d’une entreprise de location de voiture à une startup agro-technologique ? Au Pakistan, toutes les familles ou presque sont issues du monde agricole et les deux innovateurs ont pu observer la misère que rencontraient ces familles vivant uniquement des récoltes.
« Nous avions vu de nos propres yeux comment les agriculteurs, ou les personnes impliquées dans l’agriculture à petite échelle ne rencontrent pas de mobilité sociale en fonction du secteur dans lequel ils travaillent. »
Abrar Bajwa
Ainsi, le but de cette startup est très simple : créer une nouvelle chaine d’approvisionnement des produits agricoles, que ce soit les fruits ou les légumes ; augmenter les bénéfices et améliorer le mode de vie des petits producteurs, et enfin, réduire le gaspillage alimentaire, dans un pays fortement touché pas ce fléau.
Augmenter le pouvoir d’achat des agriculteurs et réduire le gaspillage
Selon les fondateurs de Tazah, la fragmentation des chaines d’approvisionnement entraine le gaspillage de 30 à 40 % des produits, qui périssent ou sont endommagés à chaque fois qu’ils sont déchargés, entreposés et rechargés dans un camion. L’entreprise veut remédier à cette situation en créant une infrastructure logistique plus courte et plus rationnelle. Elle prévoit de limiter les couts en travaillant avec des entrepôts et des transporteurs tiers au lieu de posséder ses propres installations.
Tazah se concentre aussi sur les petits et moyens vendeurs qui sont négligés par les fournisseurs de consommation à rotation rapide et de produits d’épicerie, car en effet, ces derniers ne sont pas en mesure d’acheter des produits en grande quantité. L’entreprise a également commencé à s’adresser à d’autres segments de clientèle, notamment les places de marché B2C, les applications et les magasins d’alimentation.
« Nous ne sommes pas seulement une opération de transport de cartons, car dans un sac de pommes de terre, il peut y avoir plusieurs pommes de terre pourries, donc il ne faut pas se contenter d’acheter aux agriculteurs pour les donner ensuite aux détaillants. Cela n’ajoute pas beaucoup de valeur »
Mohsin Zaka
La sur-récolte contribue également au gaspillage alimentaire. L’un des principaux objectifs de Tazah est de construire une plateforme de données et d’analyse qui aidera les agriculteurs à planifier leurs cultures pour s’assurer qu’il n’y a pas de surproduction sur les marchés qu’ils desservent. Les agriculteurs vendent généralement leurs produits sur les marchés, en formant parfois un réseau avec d’autres agriculteurs.
Malheureusement, ils ne disposent de pas beaucoup d’informations sur les marchés, l’offre et la demande, si ce n’est qu’à l’intérieur de leurs cercles communautaires. Qui plus est, dans la majorité des cas, ils finissent par s’endetter auprès d’intermédiaires souvent trop chers parce qu’ils n’ont pas accès à un fonds de roulement. En supprimant ces intermédiaires et se concentrant uniquement sur les prix du marché, dès lors les agriculteurs pourraient voir leur chiffre d’affaires augmenter, par ailleurs voir leur qualité de vie s’améliorer.
Un autre moyen d’approvisionnement des ressources
Le but de la startup est aussi de créer une nouvelle méthode d’approvisionnement des ressources, moins cher et plus rapide que les systèmes d’importation ou d’exportation standards, par exemple les avions, les bateaux ou encore les trains.
« Il y a la chaine d’approvisionnement traditionnelle et nous construisons une chaine d’approvisionnement parallèle personnalisée qui est une chaine d’approvisionnement plus efficace. C’est presque comme réinventer tout un système pour construire une chaine d’approvisionnement qui garantit que les produits soient livrés le plus rapidement possible du point de récolte au point de vente au détail. »
Abrar Bajwa
Cela signifie que Tazah effectuera des investissements précoces en travaillant avec ses marchés d’entreposage et de camionnage pour les livraisons à petite ou grande échelle, en établissant une meilleure gestion des produits.
En effet, comme Tazah doit effectuer des livraisons tôt le matin, avant que les différents commerces et marchés n’ouvrent leurs portes, elle exploite de petits centres d’exécution en plus des entrepôts pour rester proche des clients. Une partie de son nouveau financement sera utilisée pour étendre son réseau de centres d’exécution à Lahore. L’objectif étant d’être opérationnel dans toute la ville d’ici à la mi-octobre, avant de s’étendre à de nouvelles régions, voir de nouveaux pays.
Et la France dans tout ça ?
Malgré son manque de reconnaissance auprès du grand public, cette petite startup est sur le point de révolutionner le marché agricole, évitant la précarité des cultivateurs locaux, améliorant la vitesse et le mode de transport des fruits et légumes, le tout en limitant la pollution due aux systèmes d’exportation actuels. Les deux fondateurs espèrent voir émerger dans les prochaines années de nouvelles startups du même genre afin de résoudre le problème des agriculteurs locaux.
« Il s’agit d’un espace tellement vaste au Pakistan et tellement inefficace que si nous parvenons à y faire une petite entaille, cela entrainera une amélioration sociale pour des centaines, voire des milliers d’agriculteurs, améliorera la disponibilité de produits frais, réduira le gout pour la nourriture et réduira l’inflation des prix alimentaires. »
Abrar Bajwa
Bien que certaines entreprises aient déjà vu le jour en France pour une agriculture plus locale, comme par exemple Panier Local, Promus, A 2 Pas d’ici et bien d’autres encore, les autres pays du monde commencent à prendre de l’avance avec de nouvelles initiatives pour leurs agriculteurs. Mais, malgré quelques efforts, la France quant à elle, possède toujours un train de retard en termes d’agriculture plus responsable.